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Assurance emprunteur

Un revers pour les consommateurs

Le 23 septembre, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de restitution de la participation aux bénéfices de l’assurance emprunteur à deux particuliers. L’UFC-Que Choisir avait engagé à leurs côtés une procédure en 2007. Une décision bien différente de celle rendue au Royaume-Uni.

C’est une défaite à 16 milliards d’euros. Le tribunal de grande instance de Paris a rendu le 23 septembre une décision amère pour les consommateurs dans le dossier de l’assurance emprunteur. Elle rejette la demande de restitution de la participation aux bénéfices de deux particuliers, aux côtés desquels l’UFC-Que Choisir avait engagé une procédure en 2007. L’UFC-Que Choisir fera appel, mais force est de constater que ce dossier au long cours n’avance guère. Étaient en jeu 11,5 milliards d’euros d’assurances sur les prêts immobiliers souscrits entre 1994 et 2007, et 4,5 milliards d’euros pour les crédits à la consommation. La décision du tribunal de grande instance concerne uniquement le crédit à la consommation. Ce même tribunal doit rendre bientôt une décision sur le crédit immobilier qui, hélas, devrait aller dans le même sens.

Le contraste est saisissant avec la situation au Royaume-Uni. Les modalités juridiques sont différentes, mais le problème est identique : les banques et les assureurs ont réalisé des marges anormalement élevées sur les assurances emprunteurs. Souvent considérées comme indulgentes avec le secteur financier, poids lourd de l’économie nationale, les autorités britanniques se sont pourtant montrées intraitables. Depuis une décision de justice rendue en 2011 (l’affaire elle-même ayant éclaté en 2007), les banques britanniques ont dû rendre à leurs clients la bagatelle de 16 milliards de livres, soit 20 milliards d’euros. Et ce n’est pas fini. Le 31 août 2014, l’Autorité de conduite financière (la FCA) a mis les banques en demeure de rouvrir 2,5 millions de dossiers de demandes de remboursement qui n’auraient pas été instruits correctement, en 2012 et 2013 !

En France, du reste, aucune banque ou assureur n’a jamais contesté l’existence de bénéfices faramineux sur les assurances emprunteurs. Le litige porte sur les droits que les consommateurs ont quant à la participation à ces bénéfices. La ligne des acteurs de la finance est claire, et on peut au moins leur reconnaître le mérite de n’en avoir jamais dévié (du moins en public, car en privé le discours était sensiblement différent, voir ci-dessous) : les consommateurs n’ont droit à rien. Le tribunal de grande instance de Paris vient de leur donner raison.

Le jugement le rappelle, les entreprises d’assurance ont « une obligation de faire participer globalement la mutualité des assurés aux bénéfices techniques et financiers réalisés ». Le conseil d’État avait précisé le 5 mai 2010 que « chaque assuré ne bénéficie pas d’un droit individuel à l’attribution d’une somme déterminée au titre de cette participation ». De là à dire que les assurés n’ont concrètement droit à rien pour la période 1994-2007, il y avait un pas. Il vient hélas d’être franchi.

Certains avocats ont beaucoup communiqué ces derniers mois sur la possibilité donnée aux emprunteurs de se faire rembourser. Le site ActionCivile.com, qui a été particulièrement actif dans ce domaine, passe étrangement sous silence le jugement du TGI de Paris. Plus surprenant encore,  il relance actuellement les emprunteurs pour qu’ils se joignent à une action…

Certains de nos lecteurs s’étonnaient de la réserve de l’UFC-Que Choisir dans ce dossier. Il n’est pas définitivement refermé, mais une fois encore, il convient de le rappeler : les possibilités de faire valoir les droits des consommateurs sont aujourd’hui restreintes et leur faire croire le contraire serait irresponsable.

Quand l’Association française des banques (AFB) reconnaissait les bénéfices indus de l’assurance emprunteur

La ligne officielle de l’AFB a toujours été de dire qu’il n’y avait pas et qu’il n’y avait jamais eu de droit à la participation aux bénéfices dans les contrats d’assurance emprunteur. Dans une note interne à l’AFB du 16 avril 2007, pourtant, le discours était sensiblement différent. L’auteur de la note admet clairement que « l’attribution aux établissements de crédit, sous couvert de frais de gestion, de la quasi-totalité des bénéfices techniques et financiers générés par les assurances collectives auxquelles les emprunteurs ont adhéré » pourrait bien être illégale, et que « cette illégalité pourrait parfaitement être soulevée devant le juge administratif », avec les « conséquences rétroactives qui en découleraient pour tous les contrats en cours ».

Le reste de ce document, dont nous avons une copie, examine les différentes manières dont le lobby bancaire pourrait négocier une forme d’immunité avec les pouvoirs publics. Un exercice dans lequel il n’a plus à faire ses preuves.

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