ACTUALITÉ
Bien-être animal

Une technique pour éviter le broyage des poussins mâles

Après l’œuf qui ne tue pas la poule, la marque française Poulehouse annonce le lancement d’une gamme d’œufs qui ne tue pas le poussin. Grâce à une technique de sexage dans l’œuf développée par une entreprise allemande, il est désormais possible d’éviter le broyage des poussins mâles dans la filière de l’élevage de poules pondeuses. 

Si on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, on peut désormais faire des œufs sans broyer des poussins ! Grâce à un système de prédiction du sexe du poussin avant éclosion développé par son partenaire allemand Seleggt, la société Poulehouse entend mettre un terme à la pratique cruelle, mais généralisée dans la filière œuf, consistant à éliminer les poussins mâles à la naissance afin de ne garder que les femelles destinées à devenir des poules pondeuses. 

La marque n’en est pas à son coup d’essai. En septembre 2019 elle lançait L’œuf qui ne tue pas la poule qui connaît depuis un beau succès malgré son prix très élevé de 6 € la boîte de six. Depuis, 2 millions de ces œufs issus de poules qui ne sont pas envoyées à l’abattoir sitôt leur cycle de ponte en déclin se sont écoulés. Et leur distribution s’est rapidement étendue du seul réseau Biocoop à d’autres chaînes de magasins, notamment Monoprix, Franprix, Naturalia et Carrefour. 12 000 poules ont ainsi échappé à une fin précoce pour continuer leur vie de pondeuse à la ferme jusqu’à ce que mort, naturelle, s’ensuive.

Le tri des poussins mâles s’effectue avant éclosion

Aujourd’hui, la marque qui ambitionne de créer une nouvelle catégorie d’œufs sans abattage s’empare donc d’une autre problématique : l’élimination des poussins mâles. Car dans les couvoirs où l’on fait naître les futures poules pondeuses, les poussins mâles – qu’ils proviennent d’élevages bio (0), plein air (1), au sol (2) ou intensif (3) – sont tous abattus à l’âge d’un jour, par gazage ou broyage, n’étant pas taillés pour devenir des poulets de chair.

Pour lutter contre cette pratique cruelle, des dizaines de projets de recherche dans le monde (dont un français, voir encadré) se penchent depuis quelques années sur une solution : le sexage in ovo. Une technique qui permet de détruire ou utiliser à d’autres fins les œufs mâles avant l’éclosion des poussins.

Une seule société a d’ores et déjà abouti au stade de la production : l’entreprise allemande Seleggt qui, dans son couvoir en Hollande, fait naître chaque semaine 40 000 poussins, tous femelles ou presque. « La méthode consiste, au 9e jour d’incubation sur 21, à percer à l’aide d’un laser un trou de 0,3 millimètres dans la coquille pour prélever une infime quantité de liquide allantoïdien [liquide extra-embryonnaire, ndlr] sans conséquence négative pour l’œuf à couver. La goutte prélevée est alors mise en présence de réactif breveté et l’on sait en quelques heures si l’œuf à couver est mâle ou femelle avec une fiabilité d’environ 98 % », explique Fabien Sauleman, fondateur de Poulehouse.

La méthode développée par Seleggt permet de connaître le sexe de l’embryon avant éclosion.

Les premiers œufs issus de poules pondeuses triées in ovo bientôt commercialisés

Depuis fin 2018, Seleggt commercialise sous la marque Respeggt les œufs issus de ces poules pondeuses sexées in ovo, notamment via la chaîne de grands magasins allemands Rewe. Coût du sexage : plusieurs euros par embryon sexé. Mais le prix, répercuté sur les œufs pondus, revient à 2 centimes par œuf vendu en magasin. 

Pour l’heure, les ambitions de Poulehouse en termes de volume de production sont bien moindres que celles de son partenaire allemand et seuls 1 000 poussins femelles triés avant éclosion ont été accueillis en France, dans le Limousin. « Ils seront bientôt confiés à un éleveur et les premiers œufs devraient être commercialisés en septembre », précise Fabien Sauleman.

Vendus au même prix que les autres œufs de la marque, soit 6 € la boîte de six, ils ne seront au départ disponibles que dans quelques points de vente. Mais Poulehouse espère élargir ce type de production jusqu’à le généraliser à toutes ses poules. Tout en continuant de s’engager à leur offrir une vie après la ponte, dans un souci d’éthique de l’œuf à la poule.

Où en est Soo, le projet de sexage in ovo français ?

En 2016, le scandale des vidéos de maltraitance filmées en abattoir par l’association L214 portait la problématique du bien-être animal au rang de question de société et sur le devant de la scène politique. Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, avait débloqué 4,3 millions d’euros pour financer les recherches sur le sexage des œufs. La somme avait été intégralement allouée en 2017 au projet Soo, piloté par la société Tronico (La Roche-sur-Yon) en collaboration avec le CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Différence de taille avec la méthode Seleggt, la technique française devait être non invasive et basée sur deux techniques complémentaires : la spectroscopie (réponse à une impulsion lumineuse) et l’utilisation de biocapteurs. Avec pour cible l’atteinte d’une fiabilité de la prédiction de 90 % du sexage in ovo à 9 jours d’incubation. 

L’échéance annoncée était à la fin 2019. « Les délais devraient vraisemblablement être tenus », estime Patrick Collet, directeur général de Tronico, qui précise que « le projet initié bien après celui de Seleggt tend à s’adapter à la réalité du marché, où les principaux couvoirs mondiaux produisent non pas des dizaines de milliers d’œufs par semaine mais par heure ! » Le groupe français espère donc développer une technique à la fois plus rapide et moins chère que celle de son concurrent allemand pour proposer le sexage à tous types d’élevage, du bio à la cage. Nous ne manquerons pas de suivre son éclosion.

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

Lire aussi

Soutenez-nous, rejoignez-nous

La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir

image nous soutenir

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus

image newsletter