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Crise du logement en Île-de-France

Un choix politique ?

Alors que l’examen de la loi Alur pour le logement se termine, une étude du cabinet Immo G consulting relève en région parisienne des millions de mètres carrés sans occupant. De quoi résoudre la crise du logement, s’il ne s’agissait pas de bureaux, que les élus veulent à tout prix attirer sur leur commune.

D’un côté, quelque 300 000 logements manquants pour que le marché soit équilibré. De l’autre, 7 millions de mètres carrés de bureaux vides, immédiatement disponibles. Telle est aujourd’hui la situation ubuesque du marché de l’immobilier en Île-de-France, selon une étude publiée en novembre par le cabinet Immo G consulting.  

Les chiffres donnent « le tournis », écrivent les auteurs. C’est le moins que l’on puisse dire. Rien qu’à Paris, 1,6 million de mètres carrés de bureaux étaient vacants au troisième trimestre 2013. Une surface qui permettrait de loger confortablement toute la population des Ier, IIe et IIIe arrondissements ! Le calcul est purement théorique, bien entendu, puisque ces surfaces ne sont équipées ni de cuisine, ni de sanitaires.

Les particuliers ne paient pas la taxe professionnelle

Selon les auteurs, le « déficit de logements résulte principalement, depuis le début des années 2000, d’un détournement massif de droits à construire », autrement dit des délivrances de permis, « au profit de l’immobilier d’entreprise pour des raisons essentiellement financières et fiscales ». Les mairies préfèrent les bureaux aux résidents, ces derniers ne payant pas la taxe professionnelle. Les investisseurs, de leur côté, anticipent de meilleurs rendements et moins de soucis avec l’immobilier professionnel par rapport aux logements. Entre 2002 et 2012, près de 12 millions de mètres carrés de bureaux ont ainsi été construits en Île-de-France. Selon Immo G consulting, la moitié aurait largement suffit. Depuis 2007, les prix de vente de l’immobilier professionnel francilien ont d’ailleurs baissé de 20 %.

S’ajoute à cela le traditionnel déséquilibre est-ouest de la région parisienne, qui engorge les transports. Schématiquement, il y a 0,8 emploi par résident actif en Seine-et-Marne, et 1,2 emploi par résident actif dans les Hauts-de-Seine. Tous les jours, matin et soir, des milliers de salariés traversent ainsi l’agglomération, en empruntant des transports en communs ou des routes saturés. Les actifs ne trouvent pas à se loger à prix raisonnables dans les Hauts-de-Seine, alors que le stock de bureaux vides y atteint désormais les 3 millions de mètres carrés, dont 2 millions de locaux neufs. Et des centaines de milliers de mètres carrés sont encore en projet pour les trois ans à venir.

Rétropédalage sur la délivrance des permis de construire

Afin de justifier leur volonté d’aménager d’abord pour les entreprises, les élus laissent entendre que leurs communes ont déjà fait le plein d’habitants. C’est très souvent inexact. La densité de population à Gennevilliers (92), Romainville, Saint-Denis ou Bobigny (93) est comparable à celle de Grenoble (8 700 habitants/km2), et près de trois fois inférieure à celle de Paris, dont ces villes sont toutes très proches. 

La loi pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi Alur, qui sera examinée en commission à l’Assemblée nationale à partir du 17 décembre) prévoyait, dans sa version initiale, de retirer aux maires la délivrance des permis de construire, pour la confier aux intercommunalités. La disposition n’ayant pas survécu aux débats, les maires resteront donc compétents, ou, selon les cas, incompétents. Ce qui ne les empêchera pas de verser des larmes de crocodile sur la crise du mal-logement.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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