ACTUALITÉ
Intoxication alimentaire

Des reblochons suspectés d’avoir contaminé de jeunes enfants

Quatorze cas d’intoxication alimentaire grave, dont un mortel, sont survenus entre avril et juin 2018 chez de jeunes enfants ayant consommé du reblochon au lait cru de la fromagerie Chabert vendu sous plusieurs marques. Selon les investigations des autorités sanitaires, ces cas seraient liés pour tout ou partie à une même souche de bactéries Escherichia coli, particulièrement virulente chez le jeune enfant. La procédure de retrait des produits a connu de multiples rebondissements.

Quatorze enfants âgés de 1 à 5 ans originaires de diverses régions de France ont été victimes d’infections bactériennes après avoir consommé du reblochon au lait cru fabriqué par la fromagerie Chabert sur le site de Cruseilles (Haute-Savoie). Parmi ces enfants, 6 ont été hospitalisés pour un syndrome hémolytique et urémique (SHU), une infection grave touchant le rein. Vendredi 1er juin, Santé publique France annonçait le décès de l’un d’eux.

Une bactérie très virulente chez le jeune enfant

Le 11 mai 2018, le ministère de la Santé et de l’Agriculture, alerté par la survenue de plusieurs cas d’intoxication sévère chez de jeunes enfants provoqués par la même souche de bactéries E. coli, ordonnait le retrait de reblochons au lait cru de la fromagerie Chabert vendus sous la marque « Nos régions ont du talent » et commercialisés depuis le 21 janvier 2018 dans les enseignes Leclerc. Une procédure élargie 3 jours plus tard à l’ensemble des reblochons entiers (450 g) produits par la fromagerie, « par mesure de précaution » selon le ministère, la contamination étant probablement liée à un même conteneur de lait cru parvenu à la fromagerie fin janvier. Ces fromages sont notamment vendus sous les marques Chabert, Nos régions ont du talent (Leclerc), Saveurs de nos régions (Lidl), Reflets de France (Carrefour) ou encore Itinéraire des saveurs (Intermarché).

« De récentes avancées technologiques nous permettent aujourd’hui d’identifier avec précision la signature génomique d’une bactérie. Grâce à un système de surveillance dynamique, nous avons pu identifier début mai 4 cas d’enfant malade dont les coprocultures [analyses de selles] révélaient la présence de bactéries de type E. coli productrices de toxines ayant le même ADN », explique Simon Le Hello, co-responsable du Centre national de référence des E. coli à l’Institut Pasteur, précisant que les 14 cas désormais identifiés par les autorités sanitaires sont biologiquement ou épidémiologiquement confirmés.

La bactérie mise en cause est E. coli O26, une E. coli entérohémorragique (EHEC). Cette bactérie qui colonise habituellement le tube digestif des ruminants libère dans le corps humain des toxines (shigatoxines) susceptibles d’entraîner dans les jours suivant la consommation de l’aliment contaminé des diarrhées sanglantes, des douleurs abdominales et des vomissements. Les sources les plus fréquentes sont les steaks hachés et, dans une moindre mesure, les fromages au lait cru. Dans les cas les plus sévères, les symptômes peuvent évoluer vers un SHU. « Le risque est surtout présent chez le jeune enfant dont le système immunitaire encore immature peut s’emballer sous l’effet des shigatoxines. Il attaque alors les reins, plus rarement le cœur ou le système nerveux, avec des conséquences graves comme des atteintes rénales sévères pouvant nécessiter une dialyse à vie et parfois causer la mort », précise le Dr Le Hello.

Les investigations menées par Santé publique France et l’Institut Pasteur ont confirmé un lien épidémiologique entre ces cas et la consommation de reblochons au lait cru commercialisés dans plusieurs régions par la fromagerie Chabert. Le 4 juin 2018, le syndicat interprofessionnel du reblochon précisait que la bactérie E. coli O26 ayant rendu ces enfants malades n’avait pas été retrouvée à ce jour, ni dans le fromage accusé de l’avoir véhiculée, ni dans le lait ayant servi à sa fabrication. Cette absence ne dédouane pas pour autant les dits fromages. Une très faible contamination suffit en effet à entraîner un risque, et la bactérie peut très bien avoir échappé à l’échantillonnage, reconnaît le syndicat. Selon l’AFP, 456 analyses auraient été réalisées par l’entreprise Chabert, 100 % des lots analysés s’étant révélés conformes.

Demi-fromage et demi-mesure

Cela n’a hélas pas empêché l’annonce par Santé publique France, vendredi 1er juin, du décès d’un jeune patient atteint d’un SHU. Dans la foulée, le site du ministère de la Santé annonçait que les enquêtes menées par les autorités sanitaires à la suite de ce nouveau cas avaient permis d’identifier des lots supplémentaires de reblochons qui n’avaient pas été visés par les premières procédures de rappel. L’État élargissait donc encore une fois le retrait, cette fois à des demi-reblochons portant le numéro d’estampille 74.289.050 et au fromage LeTartiflard (un fromage de Savoie au lait cru) produits sur le site à la même période.

Cette procédure à multiples rebondissements n’est pas sans rappeler la très récente affaire Lactalis au cours de laquelle plusieurs listes de produits au rappel incomplètes ont été diffusées avant qu’un document a priori exhaustif soit disponible, à la plus grande exaspération des consommateurs.

L’entreprise Chabert met à la disposition des consommateurs le numéro de téléphone suivant : 0 800 94 52 35, ouvert de 8 h à 19 h.

Rappelons enfin que, selon les recommandations des autorités sanitaires, les jeunes enfants doivent éviter les fromages à pâte molle au lait cru (reblochon, morbier) sauf s’ils sont cuits (tartiflette, etc.), la chaleur détruisant la bactérie E. coli. On leur préférera donc les fromages au lait pasteurisé. Cette recommandation vaut également pour les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées.

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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