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Investissements en hôtellerie

Maranatha achète deux hôtels mais ne les paye pas

Le groupe Maranatha Finotel, qui propose aux particuliers d'investir dans l'hôtellerie, doit 10 millions d'euros à la commune de l'Alpe d'Huez pour l’achat de deux palaces en 2015. L'Autorité des marchés financiers (AMF) lance une mise en garde : les comptes 2015 n'ont pas été certifiés et ceux de 2016 sont lacunaires.

Quelle est exactement la santé financière du groupe Maranatha ? Cette question, déjà soulevée par Que Choisir en 2016, est relancée par une actualité récente. Le groupe basé à Marseille, qui appelle les particuliers à investir dans l'hôtellerie, doit quelque 10 millions d'euros à la commune de l'Alpe d'Huez. Maranatha a acheté en octobre 2015 deux hôtels haut de gamme qui appartenaient à la ville, l'Alpenrose et le Pic Blanc. 500 000 euros ont été versés à la signature de l'acte notarié. L'acheteur n'a jamais payé le solde. La commune, qui a fait preuve de beaucoup de patience, a fini par demander l'annulation de la vente (ou « résolution », en langage juridique). Celle-ci interviendra en octobre 2017, selon un protocole d'accord signé en juin, dont nous avons eu connaissance.

Du point de vue du consommateur et de l'investisseur, une question élémentaire se pose : où sont passés les 10 millions ? Selon Olivier Carvin, le président du groupe, pas de souci, l’argent a bel et bien été investi dans les projets hôteliers. « Nous avons fait quatre millions d'euros de travaux dans les deux hôtels de l'Alpe d'Huez ». Toujours selon le PDG, si le groupe n'a pas pu payer le prix d'achat, c'est parce que la banque à qui il devait emprunter a demandé des garanties supplémentaires sur les comptes de Maranatha, suite aux attentats de novembre 2015 à Paris, ce qui a bloqué le dossier. Olivier Carvin admet spontanément que la commune a été « très conciliante ».

À travers ses fonds Finotel 1, 2 et 3, Maranatha fait appel à l'épargne depuis 2013, recourant en 2016 au crowdlending. Le schéma est simple, en apparence. Il s'agit d'acheter des hôtels, de les rénover, puis de rémunérer les apporteurs de capitaux grâce aux recettes générées. En pratique, l'argent levé n'est pas directement injecté dans l'achat des murs ou des fonds de commerce. Le groupe Maranatha, monté par Olivier Carvin, est un écheveau complexe d'une centaine de sociétés. Il possède également des hôtels à Chamonix, Serre-Chevalier, Pra-Loup, dans la vallée de la Haute-Maurienne, à Brides-les-Bains et à Val d'Isère, plus, hors zone de montagne, des établissements à Paris ou Nice. Sa rentabilité est l'objet de nombreuses interrogations depuis plus d'un an. 

À l'Alpe d'Huez, cet été, le groupe a provoqué la colère et la consternation de ses concurrents, en cassant les prix : moins de 20 euros la nuit, dans des hôtels quatre étoiles. Selon la directrice d'un autre hôtel de la station, ce tarif « ne couvre même pas les frais généraux d'un établissement de cette catégorie », et ne peut donc générer de recettes.

Mise en garde de l'AMF aux professionnels

Par ailleurs, l'Autorité des marchés financiers a envoyé un courrier le 3 août 2017 aux conseils en gestion de patrimoine, appelant à la vigilance dans la commercialisation des produits Maranatha (voir encadré ci-dessous). Ce courrier n'a pas été mis sur le site de l'Autorité. Il souligne que le commissaire aux comptes a refusé de certifier les comptes de Maranatha SAS pour 2015. « Le commissaire aux comptes a également refusé de certifier les comptes sociaux de 101 sociétés du groupe » sur le même exercice. Concernant 2016, « la majeure partie des sociétés du groupe n’a pas à ce jour déposé ses comptes sociaux au greffe », poursuit l'AMF, qui conclut à l'existence d'une « incertitude sur la capacité de la société à honorer ses dettes à court terme ». Dans un courrier daté du 9 août envoyé aux associations professionnelles des conseils en gestion de patrimoine, Maranatha soutient que « les résultats de la première partie de l'exercice 2017 sont très encourageants » et que les comptes indisponibles « seront déposés au greffe sous peu ».

Un des derniers produits de Maranatha, intitulé Club Deal, est réservé « aux investisseurs avertis », précise le site de la société. Effectivement, Maranatha ne semble pas à ranger dans les placements de bon père de famille.

Le courrier de l’AMF aux conseils en gestion de patrimoine

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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