ACTUALITÉ
Levothyrox (thyroïde)

Questions et réponses

Depuis cet été, c’est un véritable tollé qui entoure le Levothyrox, ce médicament pris par les 3 millions de personnes en France souffrant de problèmes de thyroïde. En cause : un changement de formule intervenu en mars. Des effets indésirables sont apparus, nombreux et invalidants. Ces effets semblent surtout dus à des problèmes de dosage, mais ils n’ont pas été anticipés par les autorités et professionnels de santé. Le point sur cette crise et l’attitude pratique à adopter.

En quoi le Levothyrox est-il particulier ?

Le Levothyrox est un médicament indispensable. C’est une hormone de synthèse, la lévothyroxine, identique à celle produite normalement par la thyroïde, cette glande située à la base du cou. Il est fréquent que la thyroïde fonctionne mal ou qu’elle ait été ôtée chirurgicalement, suite à un cancer notamment. Dans ce cas, les personnes atteintes prennent chaque jour du Levothyrox en remplacement. Ce médicament est particulier dans la mesure où cette hormone régule de très nombreuses et très importantes fonctions : température, fatigue, appétit, humeur, etc. Selon que vous avez trop d’hormone ou pas assez, vous serez en surrégime (chaud tout le temps, cœur qui bat, tendance à maigrir, excitation…) ou en sous-régime (frilosité, fatigue, constipation, déprime…). Cette régulation se fait assez finement. Des petites variations de la quantité de l’hormone peuvent produire des effets assez importants.

Qu’est-ce qui a changé dans la formule ?

En mars dernier, une nouvelle formule du Levothyrox a été mise sur le marché. Ce changement de composition ne concerne pas la substance active, qui reste rigoureusement la même. Ce sont les excipients, c’est-à-dire les composants inactifs assurant le volume, la texture, la stabilité du médicament, qui ont été modifiés. Le lactose a été remplacé par du mannitol, et de l’acide citrique anhydre a été ajouté. L’un ou l’autre de ces excipients sont présents dans des milliers de spécialités pharmaceutiques, parfois associés comme dans les comprimés effervescents de Citrate de bétaïne UPSA en France, ou dans la Lévothyroxine Teva commercialisée en Grande-Bretagne.

Pourquoi la formule a-t-elle changé ?

C’est l’ironie de l’affaire ! La formule a été modifiée, à la demande de l’Agence du médicament (ANSM), dans le but de rendre le médicament plus facile à utiliser par le plus grand nombre. Le lactose a été supprimé, car une partie non négligeable de la population est intolérante à ce sucre. L’acide citrique anhydre a été ajouté pour assurer une meilleure conservation. Les autorités sanitaires avaient en effet constaté que le Levothyrox présentait des problèmes d’instabilité, la molécule active étant sensible à la chaleur, la lumière, l’humidité, et peut-être aussi au lactose. Du coup, il n’y avait plus exactement la même quantité dans les comprimés à la fin de la boîte qu’au début. Ceci explique sans doute en partie les difficultés rencontrées par de nombreux malades, avec l’ancienne formule, pour trouver la dose avec laquelle ils sentaient bien. La nouvelle formule était censée faciliter cet ajustement délicat, et peut être le fera-t-elle pour les nouveaux utilisateurs. Mais pour l’instant, on ne voit que les cas où elle a déséquilibré des malades qui allaient bien jusque-là.

Nouveaux effets indésirables ou nouveaux problèmes de dosage ?

S’il est difficile de faire un point précis pour l’instant, une chose est sûre : les effets indésirables rapportés depuis le changement de formule sont réels, désagréables, voire très handicapants. Mais ils ne présentent pas de danger vital. Sur les 3 millions d’utilisateurs, un grand nombre n’en souffrent pas. Peut-être certains s’en trouvent-ils mieux. Du côté de ceux qui s’en trouvent moins bien, plus de 5 000 déclarations officielles d’effets indésirables ont pour l’instant été enregistrées. Ils sont de nature diverse : problèmes de transit intestinal, nausées, vertiges, grande fatigue, sommeil perturbé, douleurs musculaires, irritabilité, difficultés respiratoires, etc.

Ces symptômes sont très évocateurs d’un problème de dosage en hormone. Cette hypothèse est d’autant plus probable que le Levothyrox fait partie des médicaments à marge thérapeutique étroite, c’est-à-dire qu’un petit changement de dose entraîne de grands changements de fonctionnement, alors que la nouvelle formule visait précisément à stabiliser la dose prise ! Ceci étant, les premières analyses de la pharmacovigilance n’ont identifié qu’une cinquantaine de cas de problèmes de dose avérés sur plus de 300 dossiers. Les nouveaux excipients sont-ils par ailleurs responsables de nouveaux effets indésirables ? Ce n’est pas impossible. Un effet « nocebo », c’est-à-dire une réaction du corps provoquée par le fait de savoir que la formule a changé, peut-il aussi jouer ? Là encore, ce n’est pas impossible.

Qu’est-il conseillé de faire à ceux qui souffrent de ces symptômes ?

Il est recommandé aux personnes qui prennent du Levothyrox et souffrent de nouveaux symptômes de ne pas modifier – et a fortiori de ne pas arrêter ! – leur traitement. Elles sont invitées à consulter leur médecin. Un dosage sanguin de la TSH (indicateur de la quantité de médicament absorbée) pourra leur être proposé afin, si besoin, de procéder à un ajustement de la dose de médicament à prendre. L’association Vivre sans thyroïde a édité un vade mecum à ce propos, qui fournit, à notre avis, la meilleure information à ce sujet : https://www.forum-thyroide.net/VST_Guidelines_Patients_Levothyrox_NF.pdf

Y a-t-il eu un défaut d’information ?

Certainement ! Le fait que nous devions orienter vers l’information émise par une association et non vers les autorités ou des professionnels de santé est très révélateur… La plupart des patients ont découvert que la formule de leur médicament avait changé lors des premières plaintes dans la presse. Pourtant leur pharmacien, avec qui ils avaient été nécessairement en contact, aurait pu les en avertir. D’autant que le changement de formule s’accompagnait d’un changement de boîte, induisant potentiellement en erreur et sur lequel les pharmaciens devaient attirer l’attention des patients. Chez les médecins non plus, l’information n’a visiblement pas toujours fait tilt. Nous avons reçu plusieurs témoignages de personnes qui se sentaient très mal et qui ont subi des batteries d’examens et de bilans avant que le changement de formule de leur lévothyroxine soit envisagé comme la cause de leurs troubles.

Lors du changement de formule, l’Agence du médicament a envoyé une lettre aux professionnels de santé les avertissant du changement de formule et invitant les prescripteurs à contrôler les personnes à risques (enceintes, cardiaques, âgées…). Pour les autres patients, un suivi inchangé était préconisé. C’est assez surprenant. En effet, le Levothyrox connaît un précédent. Il y a quelques années, lors de la mise sur le marché du générique (Lévothyroxine Biogaran et Ratiopharm), il avait été recommandé de ne pas substituer le médicament de marque par un générique chez les patients à risque. Progressivement, c’était devenu une pratique pour tous les patients, à tel point que les laboratoires génériqueurs, devant l’insuccès de leur médicament, se sont retirés du marché. Si la nouvelle formule du Levothyrox n’est pas un générique d’un point de vue administratif, c’est tout comme d’un point de vue scientifique (même substance active, excipients différents). Les autorités de santé savaient que c’était un médicament sensible et ne semblent pas l’avoir suffisamment pris en compte.

Ce défaut d’information, alimenté par les scandales médicamenteux récents, n’a pu que participer à la flambée de défiance et de malaises face à cette nouvelle formule.

Pourquoi l’UFC-Que Choisir ne demande-t-elle pas le retour à l’ancienne formule ?

Plusieurs pétitions circulent sur Internet, recueillant des dizaines et des dizaines de milliers de signatures, pour exiger le retour à l’ancienne formule. L’Association française des malades de la thyroïde est particulièrement active à ce sujet. L’UFC-Que Choisir ne s’associe pas à cette démarche. Tout d’abord parce que la nouvelle formule n’est pas dangereuse. À moins de développements inattendus, aucun malade n’est en danger. Ensuite, parce que l’ancienne formule du Levothyrox n’était pas satisfaisante. Or il faut mettre à disposition des malades une formule satisfaisante. Dans cette optique, nous invitons les personnes ayant ressenti ou ressentant des symptômes à faire une déclaration aux services de pharmacovigilance (1).

Lire aussi

Les règles de prise et de suivi du Levothyrox (Que Santé n°107 – accès payant)

Gros plan sur les nodules thyroïdiens (Que Santé n°110 – accès payant)

Perrine Vennetier

Perrine Vennetier

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