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Position dominante

Google écope d’une amende record

Sa patience a des limites. Sept ans après l’ouverture de son enquête sur Google Shopping, la Commission européenne vient d’infliger à Google une amende de 2,42 milliards d’euros. Ce montant historiquement élevé sanctionne l’abus de position dominante du géant du Web dans la comparaison de prix sur Internet. Concrètement, Google privilégie systématiquement son propre comparateur, Google Shopping, au détriment des comparateurs concurrents.

Deux exemples de recherche sur Google qui met en avant son propre comparateur.

Bottes de moto, matelas gonflable, arrosoir ou bien jambon cru… Cherchez n’importe quel produit dans Google et le moteur de recherche affichera systématiquement son comparateur de prix Google Shopping en haut (ou à droite) de la page de résultats. Des comparateurs de prix sur Internet, il en existe pourtant des dizaines, comme Idealo.fr, LeGuide.com ou Twenga.fr… Mais Google prend soin de les laisser dans l’ombre, pour privilégier son service au détriment de la concurrence. « Les utilisateurs ne voient pas nécessairement les résultats les plus pertinents en réponse à leurs requêtes, ce qui porte préjudice aux consommateurs et aux services de comparaison de prix concurrents et entrave l’innovation », affirmait la Commission européenne en 2015, après cinq ans d’enquête. Après de multiples rebondissements dans l’affaire (notamment deux communications des griefs de la commission en avril et juillet 2016, toutes deux suivies d’une fin de non-recevoir de Google), la Commission européenne sévit. Hier, elle a infligé à Google une amende de 2,42 milliards d’euros, un montant historiquement élevé. La dernière sanction ayant fait date concernait Intel, qui avait écopé d’une amende de 1,06 milliard d’euros pour son abus de position dominante dans le domaine des microprocesseurs face à son concurrent AMD. « Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l’Union européenne. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d’innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d'un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l'innovation », a estimé Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence. Google doit à présent mettre fin à cette pratique dans les 90 jours et s’expose, dans le cas contraire, à des astreintes de 5 % du chiffre d’affaires moyen réalisé quotidiennement au niveau mondial par Alphabet, la société mère de Google.

Les billets d’avion et les hôtels concernés

Cette sanction sonne comme une victoire pour les autres comparateurs de prix sur Internet, notamment Ciao, Twenga, ou encore LeGuide.com. C’est suite à leurs dépôts de plaintes que la Commission européenne avait ouvert son enquête en 2010. Elle crée aussi un précédent pour les autres services de recherche spécialisés de Google, comme Google Flight pour la recherche de billets d’avion et Google Hotel Finder pour la réservation de chambres. Ceux-là sont d’ailleurs également dans le viseur de Bruxelles. « Il est maintenant impératif que la Commission enjoigne Google de cesser sa position dominante dans les services verticaux [spécialisés, ndlr], notamment dans le domaine du voyage », confirme Christoph Klenner, secrétaire général de l’ETTSA(European Technology & Travel Services Association).

Bien que très élevée, la sanction infligée à Google pourrait presque passer inaperçue dans les comptes de l’entreprise, qui a réalisé 80,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016. La société a pourtant déjà annoncé qu’elle pourrait faire appel de cette décision. Le bras de fer continue.

2,42 milliards, le résultat d’un savant calcul

Comment la Commission européenne a-t-elle défini le montant de l’amende infligée à Google ? Le montant exact, 2 424 495 000 €, tient compte de la durée et de la gravité de l’infraction. Voilà bientôt 10 ans que Google favorise son propre comparateur. Il a commencé en 2008 en Allemagne et au Royaume-Uni avant d’étendre ses pratiques à la France en 2010, puis à l’Italie, aux Pays-Bas et à l’Espagne en 2011, à la République tchèque en février 2013 et à l’Autriche, à la Belgique, au Danemark, à la Norvège, à la Pologne et à la Suède en novembre 2013. L’amende a été calculée sur la base des recettes cumulées que Google réalise grâce à son service de comparaison de prix dans ces pays. Celles-ci dépendent du trafic enregistré. Or, depuis la mise en place de ces pratiques illégales, le trafic de Google Shopping a été multiplié par 45 au Royaume-Uni, par 35 en Allemagne, par 29 aux Pays-Bas, par 19 en France, par 17 en Espagne et par 14 en Italie. À l’inverse, celui des autres comparateurs de prix a dégringolé, d’environ 85 % au Royaume-Uni et jusqu’à 92 % en Allemagne et 80 % en France.

Mise à jour du 11 septembre 2017

Google a déposé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour contester cette amende. Cette procédure, qui pourrait prendre deux ans avant d’aboutir, est non suspensive (elle ne dispense pas l’entreprise de payer les 2,42 milliards d’euros).

Mise à jour du 10 novembre 2021

Le tribunal de l’Union européenne vient de confirmer cette amende de 2,4 milliards d’euros infligée à Google en juin 2017. L’entreprise, a-t-il estimé, a bien « abusé de sa position dominante en favorisant son propre comparateur de produits par rapport aux comparateurs concurrents ». Google peut encore contester cette sanction devant la Cour de justice de l’Union européenne, ce à quoi le géant réfléchit.

Camille Gruhier

Camille Gruhier

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