ENQUÊTE
Remboursement des montures et verres de lunettes

Pas facile d’y voir clair

Assurance maladie peu généreuse, prise en charge des complémentaires santé encadrée, prix et qualité des verres à géométrie variable… Pour limiter les restes à charge, mieux vaut ouvrir l’œil. Et adopter autant que faire se peut un comportement vertueux !

Depuis de très nombreuses années, la prise en charge financière des équipements optiques par l’Assurance maladie est extrêmement décourageante… Montures et verres sont en effet remboursés à hauteur de 60 %, mais sur la base de tarifs dits « de responsabilité », particulièrement bas et de surcroît variables selon l’âge. Pour les montures, la prise en charge effective atteint au maximum 18,29 € pour les moins de 18 ans, mais… 1,70 € pour les adultes (60 % d’un tarif « de responsabilité » de 30,49 € et de 2,84 € respectivement). Pour les verres, cette mécanique de remboursement est plus élaborée, puisqu’elle dépend également du degré de correction : plus celui-ci est fort, plus la prise en charge de la Sécurité sociale l’est aussi. Dans ses plus grandes largeurs, c’est-à-dire pour les corrections les plus importantes et les verres les plus complexes (multifocaux ou progressifs), cette prise en charge est de 39,97 € au maximum par verre pour les moins de 18 ans et de 14,72 € par verre pour les plus de 18 ans. Soit pour un équipement complet, quel que soit le prix de la monture choisie, un remboursement maximum de 98,23 € pour un enfant et de 50,78 € pour un adulte. On est donc loin, très loin du prix moyen d’une paire de lunettes, évalué à 434 € (hors CMU-C) dans le rapport 2016 de l’Observatoire des prix et de la prise en charge en optique médicale (1).

En moyenne, un quart de la dépense reste à charge

De ce fait, qui assume une telle différence ? D’abord les assurances complémentaires santé ou « mutuelles », puisque leur participation financière moyenne se monte aujourd’hui, selon ce même observatoire, à plus de 71,6 %. Viennent ensuite, logiquement, les particuliers, dont le reste à charge est de 24,1 % en moyenne, ce qui fait tout de même près d’un quart de la dépense… Derrière ce chiffre se cachent toutefois d’importantes disparités. La Fédération nationale de la Mutualité française, instance qui représente aujourd’hui la quasi-totalité des organismes mutualistes, a ainsi récemment démontré l’existence de forts écarts selon les territoires (Observatoire Place de la Santé, septembre 2017) : pour un équipement complet, tous types de verres confondus, le reliquat moyen s’élève par exemple à 4 € en Ariège, mais à 236 € à Paris ! En cause, il y a évidemment le prix moyen des verres, très élevé dans certains départements (Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Gironde, Savoie, Bas- et Haut-Rhin, Île-de-France…), les coûts additionnels de traitement (amincissement, antirayures, antireflets…), sans oublier le prix de la monture.

Des forfaits très encadrés

Au-delà de ces explications, il faut aussi tenir compte de la façon dont intervient chaque complémentaire santé, qu’elle soit individuelle ou collective (c’est-à-dire avec prise en charge par l’employeur d’une partie de la cotisation). Lorsque le contrat est « responsable », ce qui est le cas aujourd’hui de la presque totalité des contrats collectifs ou individuels du marché, la prise en charge optique est très encadrée. Elle peut être limitée aux tarifs « de responsabilité » de la Sécurité sociale et, dans ce cas, vous êtes remboursé de la totalité du seul ticket modérateur, ce qui est fort peu… Elle peut aussi aller au-delà de ces tarifs « de responsabilité », ce qui est la situation la plus courante, mais avec l’obligation de respecter des planchers et des plafonds de remboursement correspondant à des degrés précis de correction visuelle. Les planchers vont ainsi de 50 € à 200 € minimum et les plafonds de 470 € à 850 € maximum, prise en charge du ticket modérateur inclus. Ces différents montants incluent le prix de la monture dans la limite de 150 €. Ils ont été calibrés pour limiter les dérives consuméristes des assurés (monture changée tous les ans, monture de grande marque…), celles des opticiens et, par ricochet, pour endiguer les hausses ininterrompues de cotisations appliquées par les assureurs santé. Contrairement à ce qui prévalait il y a quelques années encore pour les contrats santé allant au-delà du ticket modérateur, les adultes n’ont droit qu’à un seul remboursement tous les 2 ans, sauf si un certificat médical doublé d’une ordonnance indique une évolution sensible de la vue. Pour les enfants, le renouvellement des verres et de la monture peut encore avoir lieu chaque année sur prescription médicale.

Des remboursements liés à la fidélité

Dans ces conditions, comment maîtriser votre budget optique ? Et surtout, comment limiter le reste à charge ? Trois pistes peuvent être explorées. La première, qui tombe sous le sens, consiste à rester raisonnable dans le choix de votre monture : celle-ci n’est en effet qu’un accessoire dont le coût, si vous n’y prenez pas garde, peut très vite faire grimper la facture. Utiliser une ancienne monture en bon état peut même devenir très tendance…

Il importe ensuite de bien regarder les modalités de votre contrat car, on l’a vu, la plus grosse part des remboursements dépend des complémentaires santé. D’un assureur à l’autre, différentes incitations peuvent être mises en place. Il peut ainsi y avoir une prime à la fidélité qui consiste à majorer plus ou moins fortement le niveau des remboursements au fil du temps. Par exemple, avec le contrat individuel Modulango 150 % d’AXA France, la prise en charge globale, hors réseau, d’un équipement avec verres simples est de 120 € les 2 premières années, de 160 € la 3e année, mais surtout de 240 € la 4e année. Si cela est possible, dans l’hypothèse où le degré de correction évolue peu, patienter permet donc de bénéficier d’un remboursement 2 fois plus important !

Des remboursements majorés dans les réseaux

Autre forme d’incitation, éventuellement couplée avec ce qui précède, et à regarder de très près : celle qui consiste à différencier les remboursements en fonction de l’adhésion ou non de l’opticien à un réseau. Par exemple, avec les contrats du groupe MGEN, qui s’adressent essentiellement aux agents de la fonction publique, la prise en charge des verres d’un adulte, toutes corrections confondues et toutes formules de contrat confondues, est systématiquement majorée de 20 à 30 % chez les partenaires du réseau Optistya. Résultat : pour un même équipement (monture remboursée de façon indifférenciée entre 30 € et 90 € selon les formules + 2 verres), un assuré qui s’oriente vers un opticien agréé aura, selon cette mutuelle, un reste à charge inférieur de 183,66 € en moyenne ! Dans le réseau Carte Blanche Partenaires auquel ont accès aujourd’hui 7,2 millions de particuliers via leurs contrats Crédit agricole assurances, Generali ou Swiss Life, notamment, on retrouve cette tendance, puisque le reste à charge moyen hors réseau est actuellement de 205 € contre 111 € dans le réseau. Pas étonnant donc que « 9 achats sur 10 soient effectués chez nos partenaires », selon Jean-François Tripodi, directeur général. Autre avantage des réseaux de santé : les prix sont négociés à la baisse, ce qui permet généralement d’acheter ses verres moins cher.

Troisième et dernier point, pour ceux qui souhaitent s’affranchir des opticiens de réseaux ou qui n’y ont que peu ou pas accès selon leur lieu d’habitation : tenter de faire jouer la concurrence, sachant que d’une officine à l’autre, y compris au sein d’un même département, le prix des verres et des traitements peut varier considérablement. Attention : un prix élevé n’est hélas pas forcément synonyme de qualité. Un bon équipement est avant toute chose fonction du verrier choisi et du type de verres sélectionné. Pouvoir déterminer en amont et de façon indépendante son « juste » prix, n’est donc pas du luxe : cela permet tout simplement d’y voir plus clair !

Des prises en charge plus avantageuses pour certains

Pour certains profils, la prise en charge des frais d’optique est spécifique. Il en va ainsi des personnes couvertes par une complémentaire santé d’entreprise instaurée de façon obligatoire depuis janvier 2016, dans le cadre de l’accord ANI. En effet, le socle minimum de prise en charge des équipements optiques (monture + verres) qui peut être prévu par la complémentaire d’entreprise est dans ce cas de 100 €, 150 € ou 200 € selon les corrections (décret no 2014-1025 du 8 septembre 2014). Cette prise en charge vaut par période de 2 ans ou de 1 an pour les personnes mineures. Si la politique sociale de l’employeur est forte, ces seuils sont souvent plus élevés. Mais si ce n’est pas le cas, le salarié n’a que deux choix : soit souscrire une « surcomplémentaire » qui viendra majorer les remboursements, soit accepter d’être son propre assureur, ce qui revient à assumer les restes à charge. Autre profil spécifique : les bénéficiaires de la CMU-C. L’opticien choisi doit établir un devis dans les limites de prix fixées pour la CMU-C, à charge pour l’organisme gestionnaire de donner ou non son accord. Sauf demandes spécifiques supplémentaires (traitement antireflets…), il n’y a ni avance de frais, ni reste à charge, et les bénéficiaires de la CMU-C peuvent se voir octroyer une paire de lunettes par an.

(1) Disponible ici.

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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