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Pêche durable

Le compte n’y est pas

Selon le dernier bilan de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), plus de la moitié des volumes de poissons débarqués en 2021 dans les ports français provient de stocks exploités durablement. Mais il ressort également de ce rapport que certaines espèces comme le merlu (en Méditerranée) et le cabillaud (en mer du Nord et en mer Celtique) sont toujours considérées comme effondrées, malgré les efforts entrepris.

En 2013, la Politique commune des pêches (PCP) se donnait pour objectif d’atteindre 100 % de pêche durable dans les eaux européennes à l’horizon 2020. Force est de constater que, pour sa part, la France est encore loin du compte, même si des progrès considérables ont été réalisés depuis le début du siècle. Selon le bilan présenté par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) sur l’état des populations des poissons débarqués en France en 2021, 56 % des espèces commercialisées sont considérées comme issues d’une exploitation durable (en bon état ou en reconstitution) contre 15 % seulement en 2000.  

Pour Alain Biseau, biologiste et coordonnateur des recherches halieutiques à l’Ifremer, ces améliorations sont dues à plusieurs facteurs, parmi lesquels figurent des « mesures de gestion des stocks [population de poissons adultes dans une zone marine donnée, ndlr] plus conformes aux diagnostics des scientifiques », mais aussi une « amélioration des pratiques de pêche et un meilleur respect des quotas ». Le scientifique se félicite, par exemple, de la renaissance du merlu dans le golfe de Gascogne. Alors qu’il était dans une « situation catastrophique » dans les années 90, « la diminution très importante des quotas, puis la fermeture de certaines zones pour éviter les captures de petits merlus, ont permis de retrouver aujourd’hui de gros merlus sur les étals ». Parmi les stocks considérés comme en bon état, de la mer du Nord au golfe de Gascogne, Alain Biseau met également en avant la Saint-Jacques de la Manche, la baudroie (dénomination professionnelle de la lotte), le merlan et l’églefin. Tandis qu’en Méditerranée, le thon rouge est en voie de reconstitution, voire quasiment reconstitué (la valeur seuil de la biomasse n’étant pas encore calculée).

10 % des espèces effondrées

Côté points noirs, la surpêche touche encore 11 % des espèces pêchées en France, et 10 % d’entre elles sont considérées comme « effondrées ». C’est le cas notamment du merlu en Méditerranée et du cabillaud en mer du Nord et en mer Celtique, malgré les mesures prises pour permettre la reconstitution des stocks. Une situation qui n’est pas seulement imputable à la pression de la pêche. Alain Biseau pointe aussi le rôle du réchauffement climatique et, de manière plus globale, la dégradation des conditions environnementales. Conséquence directe, les centres de gravité des zones de populations de poissons se déplacent. En mauvaise posture au sud de la mer du Nord et en mer Celtique, les cabillauds prospèrent aujourd’hui plus au nord, en mer de Barents. Quant aux larves de soles, elles se développent dans la vase des estuaires, des milieux sensibles aux pollutions venues de la terre. Elles peuvent aussi pâtir des changements de débits des fleuves, explique Alain Biseau. Autre sujet d’inquiétude, à l’instar de leurs cousines de Méditerranée, les sardines du golfe de Gascogne sont à leur tour impactées par la dégradation continue de la qualité du plancton dont se nourrissent les pélagiques et voient leur taille moyenne diminuer considérablement.

Un bilan d’autant plus inquiétant que ce tableau ne représente que la partie émergée de l’iceberg ! Sur plus de 300 espèces débarquées chaque année dans les ports français, une cinquantaine représentent à elles seules 95 % des volumes, selon l’Ifremer, et font l’objet d’un suivi régulier. Pour les autres, les tonnages en jeu sont trop faibles pour permettre une analyse significative. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles se portent bien et qu’elles ne sont pas à leur tour menacées. En fait c’est la totalité de l’écosystème des zones de pêche qu’il faudrait analyser pour avoir une image précise de la santé de nos océans. Autant dire une révolution !

Florence Humbert

Florence Humbert

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