BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Plan de lutte contre les déserts médicaux

Une ordonnance pour soulager, mais pas guérir

Même s’il comprend une série de mesures allant dans un sens utile, difficile d’être enthousiaste à la lecture du plan de renforcement de l’accès territorial aux soins annoncé vendredi par le premier ministre et la ministre de la Santé.

On peut notamment relever que ce plan est conçu avec une logique régionale, donnant aux Agences régionales de santé (ARS) et aux Projets régionaux de santé un rôle majeur. L’échelon régional est le bon pour définir des politiques d’accès aux soins au plus près des besoins des usagers, et les projets régionaux sont élaborés avec les associations, dont l’UFC-Que Choisir. On peut également accueillir avec satisfaction plusieurs bonnes mesures qui, bien que souvent de portée limitée, prises isolément peuvent, associées, avoir des effets positifs, comme le développement des maisons de santé. Mais encore faut-il qu’elles trouvent des professionnels pour les occuper. La mise en avant des consultations dites avancées, c’est-à-dire réalisées par des médecins qui, sans résider dans un désert médical, viennent y exercer par exemple un jour par semaine est également un palliatif intéressant. Le plan prévoit également le développement de la télémédecine, qui sera dotée d’un cadre clair dès le premier semestre 2018, avec un prix de consultation et un niveau de remboursement par l’Assurance maladie et les assurances complémentaires. On pourrait aussi citer le cumul emploi/retraite pour les médecins, ou la facilitation de l’exercice mixte.

Mais enfin, une fois que l’on a dit cela, comment ne pas être frappé par le tabou entourant la moindre mesure volontariste quant à la répartition sur le territoire des médecins ? Alors qu’après l’UFC-Que Choisir et le Sénat, c’est la Cour des Comptes qui le mois dernier appelait à un conventionnement sélectif des médecins, rien à ce propos de la part du gouvernement. La logique que nous prônons n’est pourtant pas insoutenable pour les médecins : il leur serait toujours possible de s’installer où ils le souhaitent en secteur 1 (sans dépassement d’honoraires), mais les zones déjà surdotées en professionnels de santé ne seraient plus ouvertes aux installations de médecins qui pratiquent des dépassements.

Un bémol également sur la télémédecine. Sans conteste, les nouvelles technologies sont porteuses d’avancées, notamment pour les territoires en pénurie de médecins. Mais outre le fait qu’on ne pourra jamais remplacer une présence physique de soignants par la télémédecine, mais simplement la compléter, le fait que les cartes de la fracture sanitaire et de la fracture numérique se confondent m’alertent. Les territoires où la télémédecine serait la plus précieuse ne sont pas aujourd’hui couverts par les technologies internet permettant son déploiement. Et puis tout cela semble faire fi de la fracture numérique générationnelle : bon nombre de nos ainés ne sont pas en capacité de manier la technologie d’Internet.

Tant que l’on se refusera de traiter la cause profonde du mal, la sacralisation d’une liberté individuelle absolue au mépris de l’intérêt général d’accès aux soins, il y a hélas fort à parier que la plaie ne fera qu’empirer, sauf à trouver toujours davantage de Roumains ou médecins d’autres pays prêts à exercer là où leur présence est indispensable.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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