ENQUÊTE
Vente de matelas

Des arnaques à dormir debout

Abus de faiblesse, pratiques commerciales agressives ou trompeuses, vols… Les escroqueries liées aux ventes de matelas, qui se déroulent la plupart du temps en dehors des circuits de vente traditionnels, sont plurielles. Démarchage à domicile ou téléphonique, invitation à retirer un cadeau ou à profiter d’un repas, lancement d’un magasin éphémère… Voici un florilège des pièges les plus courants, suivi de conseils pour les éviter ou en découdre.

Magasins éphémères

À grand renfort de publicité, vous apprenez qu’une nouvelle boutique de meubles s’installe près de chez vous. Remises commerciales importantes, promesses de cadeaux… Tout est bon pour y attirer le client. Sauf que ce magasin est dit « éphémère », assorti d’un bail précaire (de courte durée). Aussitôt créé, aussitôt fermé. La livraison du matelas s’effectue généralement le jour de votre visite. Le lendemain, les commerçants se sont évaporés ! Cela peut avoir un impact sur la livraison, sur un remboursement éventuel, sur vos garanties ou sur vos recours en règle générale, la disparition soudaine de ces enseignes temporaires compliquant énormément les démarches. Les présents promis sont souvent de faible valeur ou inclus dans le prix de vente, lui-même gonflé pour permettre d’importants rabais.

« Les fausses remises, illusoires, constituent la colonne vertébrale de l’arnaque », affirme Jean-Charles Vogley, secrétaire général de la Fédération française du négoce de l’ameublement et de l’équipement de la maison (FNAEM), qui représente petites et grandes enseignes. Associé aux structures territoriales de la DGCCRF pour se porter partie civile contre ces vendeurs illicites, comme il l’a fait en 2007 dans une affaire contre King Salon, l’organisme a noté en 2017 et 2018 un tarissement de ces pratiques, encore massives en 2016. Mais Jean-Charles Vogley continue de lutter contre et souligne le caractère « ancien, récurrent et cyclique » de ces arnaques : « Une fois que le marché est asséché, ces vendeurs se font oublier quelque temps, puis ils reviennent. Je pense qu’il va y avoir une nouvelle vague. » Même si Internet permet aux consommateurs d’être davantage informés des prix et les rend moins vulnérables, ils ne sont pas à l’abri de tomber dans un piège. Le secrétaire général de la FNAEM préconise avant tout de « ne jamais se précipiter pour l’achat d’un meuble ou d’une literie et de toujours comparer ».

Vente dans un lieu atypique

La méthode utilisée est similaire à celle à l’œuvre dans les magasins éphémères. Des vendeurs de matelas démarchent par téléphone dans un premier temps pour envoyer une invitation personnelle à retirer un cadeau ou à bénéficier d’un repas gratuit (gagnant à un tirage au sort, par exemple). L’événement se déroule dans un hôtel, un restaurant ou une salle des fêtes. Une telle invitation masque en fait une réunion pour vous pousser à acheter un matelas. Vous assistez alors à une vraie démonstration commerciale, enrichie d’un discours bien rodé. Ces démonstrateurs ne sont pas à court d’arguments : lutte contre les ondes électromagnétiques, vertus du cuivre (matelas cousu de fils de cuivre), matériaux issus de travaux menés par la NASA… Ne vous laissez pas impressionner par ces termes ! D’autant que tout sera fait pour vous inciter à sauter le pas immédiatement : remises commerciales, cadeaux, date anniversaire, etc. Prenez le temps de vérifier les allégations des vendeurs, les bonnes affaires sont rarement aux rendez-vous.

Vente en foire ou salon

Les marchands de matelas présents lors de foires ou salons ne manquent pas d’arguments pour conclure une vente rapidement. Parmi eux, certains sont honnêtes, d’autres moins. Les cadeaux promis s’avèrent souvent de faible valeur ou inclus dans le prix de vente. Pire, comme dans les magasins éphémères, les prix sont gonflés pour donner l’illusion d’importants rabais. La qualité n’est pas celle promise. Inutile de vous précipiter, documentez-vous sur les prix et les différents modèles qui pourraient vous convenir avant d’acheter. Attention, lors d’une acquisition sur une foire ou un salon, vous n’avez pas de droit de rétractation (sauf en cas d’achat avec un crédit affecté).

Vente à domicile

Les voleurs

De faux vendeurs de matelas démarchent au porte-à-porte. Ils ciblent, en général, les personnes âgées ou vulnérables. L’un fait diversion et, pendant ce temps, un complice en profite pour dérober des objets dans la maison.

Les vandales

Des marchands frappent à votre porte et proposent une vérification de votre literie. L’un fait diversion et, pendant ce temps, un complice en profite pour lacérer votre matelas. Une autre arnaque consiste à déposer des vers, des larves ou des punaises de lit sous votre matelas et à revenir quelques heures ou quelques jours plus tard. L’objectif, dans tous les cas de figure, est de vous inciter à passer commande immédiatement. Or celle-ci ne sera jamais livrée ou s’avérera très cher payée eu égard à la qualité du produit.

L’usurpation de grandes marques

Lors d’un démarchage à domicile, les escrocs se font passer pour des représentants agréés de grandes marques de literie. Or il n’en est rien. Les matelas, s’ils sont livrés, s’avèrent de piètre qualité et les rabais de vente, faussés. Certains vendeurs prennent des paiements, mais ne vous livrent jamais.

Que faire si vous êtes victime d’une arnaque au matelas

En cas d’arnaque à votre domicile, informez la police ou la gendarmerie, qui effectuent régulièrement des campagnes de prévention sur de telles escroqueries. Parlez-en également à vos voisins, pour qu’ils se tiennent sur leurs gardes. En cas de vol ou de matelas payé mais non livré (escroquerie), vous pouvez porter plainte : consultez notre lettre type dédiée.

Contactez la Répression des fraudes (Direction départementale de la protection des populations, DDPP) pour signaler l’escroquerie ou les pratiques commerciales déloyales ou trompeuses dont vous êtes victime. Le professionnel pourra faire l’objet d’un contrôle ou d’une enquête.

Dans le cas d’un achat sur une foire ou un salon, alertez également l’organisateur de l’événement si vous suspectez une arnaque.

Si vous êtes tombé sur un usurpateur se revendiquant comme vendeur d’une grande marque agréée, prévenez le service consommateur de cette dernière.

Vous venez de signer un bon de commande suite à un démarchage à domicile ou à une pratique assimilée (invitation personnalisée ou bon de commande signé dans la rue ou dans un lieu de vente non habituel du professionnel : hôtel, restaurant, salle des fêtes…) : rétractez-vous dans un délai de 14 jours. Vous pouvez vous servir de notre lettre type.

Un achat à crédit, quel que soit le lieu de vente, vous fait bénéficier du même droit de rétractation.

Dans le cadre d’un démarchage à domicile ou d’une pratique assimilée (voir paragraphe précédent), le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ni contrepartie, sous quelque forme que ce soit, avant l’expiration d’un délai de 7 jours à compter de la conclusion du contrat (14 jours en cas de crédit affecté). Si vous avez donné un chèque avant la fin de ce délai, faites opposition pour utilisation frauduleuse auprès de votre banque afin d’empêcher son encaissement. Utilisez notre lettre type.

Si vous avez reçu une invitation par courrier postal, conservez-la, même si le commerçant souhaite la récupérer. À défaut, prenez une photo ou faite une copie au préalable.

Tout argument qui vous paraît « trop beau pour être vrai » ou inhabituel doit éveiller vos soupçons. Mieux vaut vérifier si le vendeur n’est pas lié à une arnaque éventuelle en consultant Internet.

En cas de litige, n’hésitez pas à vous rapprocher d’une association locale de l’UFC-Que Choisir, elle peut vous aider dans vos démarches.

Nos conseils pour ne pas se faire piéger

  • Si vous avez un projet d’achat, renseignez-vous sur les prix et les différents modèles de matelas auprès de plusieurs vendeurs. Cela vous permettra de vous faire une idée plus précise.
  • Ne vous laissez pas appâter par une offre alléchante. Avant de prendre votre décision, informez-vous sur la société et comparez les offres.
  • Privilégiez un magasin spécialisé où vous pouvez essayer les matelas et recevoir des conseils personnalisés.
  • En cas de démarchage à domicile, utilisez l’entrebâilleur de la porte ou le judas pour communiquer. Si vous doutez des intentions de votre interlocuteur, n’ouvrez pas.
  • Évitez de donner suite aux invitations téléphoniques ou postales.
  • En cas de commande en ligne, consultez au préalable les modalités et conditions pour tester les produits.

« La profession passe à l’action »

De telles activités illicites nuisent à la réputation des distributeurs de literie, tant au niveau de leur image de marque que de la concurrence déloyale occasionnée. Quant au consommateur, il ne dispose que de peu de moyens pour se retourner contre les commerçants malhonnêtes. C’est pourquoi Gérard Delautre, président de l’Association pour la literie, qui représente les professionnels du secteur, conseille avant tout de choisir « des entreprises qui ont pignon sur rue et vendent des marques connues ». Selon lui, les transactions hors circuits traditionnels (marchés, démarchage à domicile, magasins éphémères, notamment) constituent 4 % des ventes du marché. Toutes ne relèvent pas de l’escroquerie, « mais je pense que le nombre d’arnaques est relativement important. Je suis informé de ces arnaques par les gendarmeries ou commissariats, sachant que très peu remontent jusqu’à nous : une à deux par mois jusqu’il y a un an. Aujourd’hui, le rythme s’élève à une alerte tous les deux mois », explique-t-il. Pour un marché (literie) en constante progression depuis plusieurs années, dont les ventes sont évaluées à 1,34 milliard d’euros en 2017 (1), ce n’est pas négligeable. Le président de l’Association pour la literie considère que le problème majeur réside dans la vente de marchandises qui ne correspondent pas à la description donnée par le vendeur (fabricant connu usurpé, fausses caractéristiques, faux arguments). L’association souhaite agir au niveau réglementaire : « On fait partie, avec la DGCCRF, d’une commission sur la literie démarrée en 2017. L’objectif : que les caractéristiques qui sortent de l’ordinaire (composition, bienfaits sur la santé…), présentes dans les catalogues et sur les étiquettes des produits, soient obligatoirement prouvées, avec une étude en laboratoire, par exemple. Il faut que les arguments de chaque marque soit vérifiés ou vérifiables, sinon, ils sont fallacieux. On espère que cela aboutira en 2019. Il en va de la crédibilité de notre profession. »

(1) Source : Institut de prospective et d’études de l’ameublement (Ipea).

Marie Bourdellès

Marie Bourdellès

Sophie Herbreteau

Sophie Herbreteau

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