ENQUÊTE
Assurance habitation

Que penser des comparateurs d’assurances habitation sur Internet ?

L’assurance habitation n’est pas le produit phare des comparateurs sur Internet, contrairement aux assurances automobiles ou aux complémentaires santé. Mais la situation évolue et certains opérateurs entendent bien tirer leur épingle du jeu… Que valent ces outils en ligne, souvent présentés comme indépendants ?

Étonnamment, alors qu’ils font pleinement partie du paysage français de l’assurance, les comparateurs présents sur le segment de la multirisque habitation (MRH) sont moins nombreux que ce que l’on pourrait croire. Certes, il y a les grands noms de la comparaison comme Lesfurets.com, Lelynx.fr et Assurland.com, de loin les plus importants en termes de nombre de visites mensuelles. Il y a aussi Assurance.meilleurtaux.com (émanation du courtier en prêts immobiliers Meilleurtaux.com, qui opère également via l’interface Lecomparateurassurance.com) et Hyperassur.com puis, très vite, on découvre des opérateurs nettement plus petits, donc moins visibles, qui ne sont autres que des courtiers, comme Acommeassure.com notamment. Dans tous les cas, aucun comparateur n’est spécialisé MRH comme peuvent l’être par exemple les très nombreux comparateurs proposant exclusivement une complémentaire santé individuelle.

Des chiffres en trompe-l’œil

À quelques nuances près, on observe ensuite que les pages d’accueil de tous ces comparateurs sont centrées sur l’assurance automobile. Normal : c’est à la fois le produit le plus comparé et celui pour lequel les assureurs ou les courtiers sont en plus grand nombre. Cette stratégie web ne doit rien au hasard : elle permet aux comparateurs de jouer sans complexe la carte de l’exhaustivité. On peut ainsi lire « 78 offres d’assurance comparées » avec Assurland.com (le 28 août 2017), « 41 offres à comparer » avec Hyperassur.com, « 50 assureurs comparés » avec Lelynx.fr et « des centaines d’offres d’assurance » avec Lesfurets.com, alors que pour la multirisque habitation, ces chiffres ne correspondent pas du tout à la réalité ! Au contraire : à y regarder de plus près, et à l’exception des assurances de niche comme l’assurance moto et celle dédiée aux animaux domestiques, la MRH apparaît même comme le parent pauvre des comparateurs. Chez Lesfurets.com ou Lelynx.fr, on ne dénombre respectivement que 14 et 11 « partenaires » dans les onglets dédiés à l’habitation et chez Hyperassur.com, ce chiffre passe à 6. Chez Assurland.com, 6 partenaires apparaissent également, dont 3 sont de notoriété nationale : la GMF, la MAAF et MMA… Pour autant, on ne peut objectivement pas les considérer comme étant des « partenaires indépendants » puisque le groupe Covéa, qui rassemble aujourd’hui ces 3 marques d’assurance, est actionnaire à 100 % d’Assurland.com – c’est ce qui explique pourquoi ces trois assureurs ne sont présents que sur ce site, et nulle part ailleurs !

Des partenaires qui se ressemblent étrangement d’un site à l’autre

Autre (mauvaise) surprise : d’un site à l’autre (à l’exception d’Assurland.com), ces fameux « partenaires » sont quasi identiques mais surtout, il n’y figure que peu ou pas de grands assureurs comme AXA, le Crédit agricole assurances ou la MACIF. Pourquoi ? Parce que ces acteurs sont toujours soucieux de ne pas déstabiliser leurs réseaux de distribution, de ne pas exposer leurs marques et de ne pas les mêler directement « à des offres qui pourraient apparaître comme low cost ». Seules exceptions notables : celles du GAN, de Groupama (sur Hyperassur.com uniquement) mais surtout celle d’Allianz, présent depuis le début de cette année sur les deux plus gros comparateurs et sur un segment de marché très précis : celui des appartements de 3-4 pièces maximum « pour appréhender si les jeunes urbains, locataires ou propriétaires, ont une propension plus importante que les autres à aller sur les comparateurs », selon François Nédey, directeur technique assurances de biens et responsabilités chez Allianz France. Quelques filiales « pure players » de grands groupes, comme Amaguiz (Groupama) et AllSecur (Allianz), sont également représentées, mais il n’empêche : le gros des « partenaires » ne sont que des courtiers de plus ou moins grande envergure. Exit donc l’exhaustivité prétendue au départ !

Un produit et un marché spécifiques

Mais ce n’est pas tout… En effet, si les pages web consacrées à la multirisque habitation sont nettement moins fournies que celles dédiées à l’assurance auto ou à la mutuelle santé, si le panel de partenaires est plus resserré et si les demandes de devis sont nettement moins nombreuses, c’est que différents éléments qui relèvent de la structure même de l’assurance habitation doivent également être pris en compte. Tout d’abord, la MRH est un produit moins « volatil » que l’assurance auto, par exemple. Concrètement, on est moins tenté ou moins souvent obligé d’en changer, sauf situations particulières : nouvelle location, achat immobilier, mauvais règlement d’un sinistre, résiliation par l’assureur ou augmentation subite et importante (plus de 5 % en une seule fois…) de la prime annuelle. Il faut ensuite aller chercher du côté de son mode de tarification, centré sur les caractéristiques du logement à assurer (localisation, nombre de pièces, montant du capital mobilier…) et non sur le profil de l’assuré, son comportement et sa « sinistralité » potentielle, comme c’est le cas pour l’assurance automobile (niveau de bonus-malus, ancienneté du permis…). Du fait de cette appréciation spécifique du risque, les différences de tarifs sont moins marquées d’un assureur à l’autre et la concurrence est donc moins vive.

Un produit de conquête

Précisément, le marché de la MRH sur le Net commence tout juste à bouger. En 2016, les demandes de devis étaient en augmentation, tout comme les taux dits de transformation, qui mesurent le pourcentage de souscriptions effectives d’une multirisque habitation auprès d’un assureur du panel. À quoi est dû ce frémissement ? Sans nul doute aux premiers effets de la loi Hamon qui, depuis un peu plus de 2 ans, permet de résilier de façon simple et à tout moment sa MRH, dès lors que ce contrat a été souscrit au moins 1 an auparavant. « Changer de MRH permet de gagner quelques euros par mois, c’est tout. En revanche, le consommateur peut clairement améliorer sa protection. Pour un prix similaire à ce qu’il paye actuellement, il peut par exemple bénéficier en plus d’une option qui couvre ses objets multimédias, d’une vétusté moins pénalisante en cas de sinistre ou d’un plafond d’indemnisation plus élevé », explique Damien Rulière, d’Hyperassur.com. Toujours du côté du consommateur, on peut aussi retenir les conséquences du dynamisme retrouvé du marché immobilier avec l’arrivée, l’an passé, de nombreux nouveaux accédants à la propriété, séduits par des taux d’intérêts particulièrement attractifs. Du côté des professionnels en revanche, les explications sont… nettement plus commerciales : « De plus en plus d’assureurs ont compris qu’ils pouvaient se servir de la MRH pour faire de la vente croisée. Elle devient un produit de conquête, un levier de captation de nouveaux clients en assurance auto ou, à partir du 1er janvier prochain, en assurance emprunteur », reconnaît Christophe Triquet, directeur assurance de Meilleurtaux.com. Une chose est sûre : le marché de la MRH sur le Net est aujourd’hui à un tournant. Il pourrait même profiter d’une embellie plus importante encore si les grands assureurs ne rechignaient pas à s’inscrire sur les comparateurs… Car « même si les plus connus ne sont pas forcément les plus performants en termes de prix et de garanties », comme le souligne Jean- Sébastien Nenon, directeur des opérations chez Lesfurets.com, leur présence, sans cesse recherchée et négociée, a un mérite essentiel : rassurer le consommateur et, par ricochet, l’amener davantage encore vers les comparateurs !

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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