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Procès du Mediator

Les cas de deux femmes mortes expertisés

Les juges du tribunal correctionnel de Paris ont, dans le procès Mediator (benfluorex), entendu une experte sur les cas de deux femmes qui ont succombé à leur traitement.

Le fils, la fille et le compagnon de Pascale Saroléa ont quitté leur place dans le public pour aller s’asseoir pile face aux prévenus, dans le procès dit du Mediator (benfluorex). Le décès brutal de leur mère et compagne, à l’âge de 52 ans, sera évoqué en premier ce jeudi. Les juges entament avec ce dossier une longue période exclusivement consacrée aux victimes du Mediator. « Cela risque d’être humainement éprouvant », avertit Sylvie Daunis, la présidente du tribunal.

Pascale Saroléa est brutalement décédée le 8 mars 2004, à 52 ans, dans les bras de Lisa, sa fille. « J’ai été réveillée à 1 h 30 par des bruits inhabituels, raconte la jeune femme. À l’étage, mon père et ma mère étaient debout, ma mère, très agitée. Elle se plaignait de ne plus pouvoir respirer, elle criait. Je l’ai fait asseoir. De la mousse rosâtre s’est mise à sortir de sa bouche et de son nez. C’était très rapide. Pendant que mon père appelait les pompiers, elle m’a dit qu’elle allait mourir. Et c’était vrai, j’ai senti son dernier souffle, tout son corps qui se relâchait. Ma mère est morte en 15 minutes. Elle devait m’accompagner à la fac le lendemain. »

Mediator pour perdre du poids

Quelques minutes plus tôt, en début d’audience, l’experte, Marie-Annick Le Gueut, professeure de médecine légale, a expliqué que Pascale Saroléa n’avait aucun antécédent cardiaque ou vasculaire. Tout juste était-elle sujette au rhume des foins. Elle s’est vu prescrire du Mediator en 2002 pour perdre le poids pris à l’arrêt de la cigarette. C’est efficace : 10 kg de moins en quelques mois. En 2003, son état de santé se dégrade. Une insuffisance aortique de grade 2, « c’est-à-dire préoccupante », précise l’experte, est d’abord diagnostiquée. Des troubles respiratoires, mis sur le compte d’un « asthme cardiaque », apparaissent en 2004. Les circonstances de sa mort, « très rapide avec de la mousse sanglante », orientent sans équivoque vers un œdème aigu du poumon, causé par une valvulopathie. Comme l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), Marie-Annick Le Gueut estime que le Mediator est en cause.

Recherche de la vérité

Le second dossier concerne Jacqueline Fonterne, une femme de 74 ans, diabétique et obèse, qui a pris du Mediator de 2000 à 2009 comme coupe-faim. Très handicapée, elle a porté plainte le 1er juillet 2011, un mois et demi avant sa mort. Son décès a été causé par une défaillance cardiaque droite, elle-même provoquée par l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) majeure qu’elle avait développée. « Il n’y a pas d’autre explication que le Mediator », précise l’experte. L’Oniam a décrit « une atteinte en lien direct et certain avec la prise de benfluorex ».

C’est sa fille qui a repris la procédure à son compte, ainsi qu’elle l’a promis à sa mère avant sa mort. L’entourage de Pascale Saroléa a suivi un cheminement différent. Son décès a d’abord été vécu comme « une fatalité », explique Lisa, sa fille. Pendant 6 ans, personne ne fait le lien avec le Mediator. Jusqu’à un article dans le Nouvel Obs, où est mentionné le livre d’Irène Frachon, la pneumologue brestoise par qui le scandale Mediator a éclaté. « On a lu le livre, on a pris contact avec Irène Frachon et on lui a envoyé les pièces, raconte Lisa. On a décidé de vouloir la vérité, on a donc porté plainte en 2010. » La jeune femme estime que si la cardiologue qui suivait sa mère avait su que le Mediator avait les mêmes effets que l’Isoméride (dexfenfluramine), elle l’aurait arrêté. « Servier a trompé tout le monde, l’ANSM (agence du médicament), les médecins et les patients. »

Pour le décès de Pascale Saroléa, la firme a proposé une indemnisation misérable de 38 000 €, que la famille a rejetée.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

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